D.L.
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v Félix-Jules Bolzé (1847-1913)
Félix-Jules Bolzé fit publier l’année de la fondation du Damier Lyonnais « Trois Dames contre Une », une approche méthodologique de
cette fin de partie. Au-delà de la cité gauloise, Bolzé s’intéressa à la
vie damiste française. Non seulement il fonda le 1er janvier 1909 la Fédération des Damistes Français,
qui unissait à l'origine les damiers Beaujolais, Grenoblois, Lyonnais, Niçois,
du Nord, Phocéen, Romanais, Péageois, Venaissins et Viennois ainsi que des
groupes de Caen, Nîmes, Toulouse, Valence et Villebois (Ain), mais il créa
aussi en octobre 1909 une première revue
fédérale mensuelle « Le Damier Universel » dont il fut rédacteur en chef
jusqu'à son décès, le 13 mai 1913 à Villeurbanne (Rhône). Nous pouvons approfondir la connaissance de l'oeuvre de notre président fondateur grâce au travail de notre collègue, un ancien du Damier Lyonnais, Stéphane Faucher qui a rassemblé divers éléments en vue d’une publication dans la rubrique : Une oeuvre, un joueur du « Coin du collectionneur ». Les chapitres qui suivent ont donc été rédigés par ses soins : « Trois Dames
cont Bolzé Solutionniste et
Problémiste
« Trois Dames
contre Une », Lyon 1901
Le
troisième et dernier chapitre intitulé "les damiers" est une
approche intéressante des différents types de damiers existants, et de
leur notation différente. Après le premier livre français de jeu sur 64
cases de Pierre Mallet ("le
iev des dames" (2)
1668) et Quercetano ("l'égide de Pallas" 1727) présentés avec
des notations différentes, l'auteur parle du 100 cases et l'ancienne
notation Manoury (1-50) (3)
et l'actuelle (46-5). Il décrit les
différents types de damiers, comme
le damier unicolore de Lallement (1802) (voir dessin) ou le damier sans
cases de Poirson Prugneaux (1855) auquel il suffit de tirer des lignes en
direction des points, couplé
Cela
consiste à placer les pions sur l'intersection des lignes où un petit
vide a été ménagé. Bolzé conclut ce chapitre et déclame qu'il est
partisan de la notation Manoury, la plus naturelle et plus logique selon
lui. Un appendice de 2 pages, qui traite de notions élémentaires sur le
jeu ainsi que de réglementation termine cet ouvrage original.
Mais le souvenir de Bolzé ne se résume pas qu'à cette publication, et son œuvre la plus importante est bien la revue qu'il a créée 8 ans plus tard, premier organe officiel de la fédération des damistes français dont il est le Président et fondateur : le damier universel. « Le Damier
Universel »
Le titre n'est pas choisi par
hasard car Bolzé a un but bien précis : réglementer la confusion des jeux,
participer à son émancipation, arriver à son unification et créer le jeu de
dames universel. L'organe doit également refléter de façon précise les
actions de la fédération créée le 1er janvier 1909, c'est à dire
à une date très récente, mais dont l'utilité et l'autorité restent floues
pour beaucoup de damistes (4).
Il signale l'importance d'une structure collective en ces mots : "que
tous les clubs de France se groupent autour du drapeau fédéral. La Hollande
l'a compris et nous a devancés, ne restons pas en arrière et faisons comme
elle !". Les numéros comprennent 12 pages, dans un premier temps, puis
passeront régulièrement à 16 pages. Une rubrique « communication »
assurée par Bolzé reflète l'activité des clubs, la partie technique est
assurée par des damistes lyonnais de renom comme Bonnard, Molimard, Le Goff,
Dentroux, qui publient des parties entières ; les problèmes et leurs
solutions sont sous la responsabilité d'un problémiste, A. Pernet. Une
rubrique "technologie" aussi occasionnelle qu'amusante à lire fait
son apparition. On peut y découvrir la description des us et coutumes du jeu de
dames (pourquoi commence t-on avec les blancs ?), l'analyse des mots tactique et
stratégie ou thèmes précis (cas où la dame prend un rôle offensif...). Mais
ce qui marque par dessus tout, à la lecture de cette revue, est la place
consacrée aux règlements de toutes sortes.
Bolzé est un féru de réglementation et il compte par ce biais
officialiser les structures, les règlements ainsi que la règle du jeu. Pour
cette dernière, la revue servira de support pour le changement fondamental qui
est à la base de notre jeu d'aujourd'hui : l'abolition
du soufflage. Abolition
de Soufflage
Nous sommes dans un contexte où le jeu se pratique de façon différente dans le Monde, bien sûr, mais même en France où, selon les régions, les joueurs de dames ont du mal à reconnaître une règle officielle nationale. On trouve donc les partisans du soufflage, de son abolition, ceux qui sont pour la notation Manoury, ceux qui sont contre. Alors, qu'aujourd'hui, les polémiques ne s'orientent pas spécialement sur ces choix qui sont adoptés dans le monde entier pour le jeu international, on retrouve de façon significative dans "le damier universel" des discussions sur ces sujets et qui sont d'une grande intensité. "la dame soufflée" d'après une caricature publiée dans "le goût du jour" vers 1830 (restauration) En 1911, Louis Dambrun propose, dans la revue
"le damier" dont il est le rédacteur, un projet de règlement
nouveau, dans lequel il exclut le soufflage, (5)
exposant ses raisons, se déclarant convaincu que ladite règle,
non seulement est absurde mais qu'elle décourage les débutants. Il est certain
de représenter la majorité des forts joueurs et ne doute pas d'arriver à ses
fins. Cela attirera les foudres de Bolzé, rédacteur du damier universel qui,
comme son nom l'indique, prétend représenter l'ensemble des damistes français.
Bolzé, qui est partisan de la notation Manoury (6),
est contre l'abolition du soufflage.
Il propose de réglementer une fois pour toutes l'acceptation ou l'abolition du
soufflage. Il demande à tous les joueurs, associations de s'assembler et de se
consulter, et de réunir les voix de tous, sans exception sur le cas du maintien
ou de la suppression du soufflage et des conséquences sur les règles du jeu de
dames. Il ajoute cette maxime : "surtout
pas de sentimentalités et d'emballements : le juste milieu des choses étudiées
avec soin" ou
bien cette expression qui définit bien le caractère de Bolzé : « soyez
sévères mais justes ! ». En 1911, puis en 1912, dans chaque numéro,
un chapitre important sera consacré à l'étude de l'abolition du soufflage. Ce
sujet déclenchera des disputes, cordiales au début, puis d'une intensité
incroyable ensuite, que Bolzé alimentera. Les deux rédacteurs (Bolzé &
Dambrun) se querelleront par revues interposées. On retrouve dans le damier
universel des extraits des meilleures disputes que le jeu de dames ait engendrées.
Certaines expressions laissent supposer l'émoi observé auprès des damistes
français, comme "une question qui
semble vouloir mettre le feu aux quatre coins du damier" ou bien "la suppression du soufflage est le plus grand fléau du jeu de
dames !" ou encore
"j'affirme que la suppression du soufflage est une iniquité, une
fourberie" (Bolzé). Je ne peux citer toutes les expressions employées,
mais l'année 1912 fut l'apogée de ces discussions. Le ton baisse enfin en
1913, année qui vit la disparition de Bolzé et donc la fin de la parution du
« damier universel » avec le numéro 43 de mai 1913. Cette revue
n’a pas eu une durée de vie exceptionnelle, mais elle a joué, malgré les
dissensions, un rôle de communication et d’information essentielles dans
l’abolition du soufflage, qui nous livre le jeu de dames dans sa forme
actuelle. Bolzé
solutionniste et problémiste
Joueur de club d'un niveau sans prétention, Bolzé aimait cependant les problèmes. Il participait régulièrement au concours de la revue Leclercq. Au concours de solutionnistes (7) de 1901 (148 problèmes à résoudre) il se place deuxième avec 288 points sur 296 ! Ses propres problèmes sont également appréciés. Au 8ème concours des problémistes les problèmes de Bolzé (4ème et 6ème envois) se nomment "Le travail conduit à tout" et "Modestie"(8)
Il
a publié aussi sous l’anagramme « De nos jours nous avons aussi des appellations d’une fantaisie remarquable (9) présentant pourtant un certain intérêt au point de vue de la grande imagination qui a présidé à leur création. Mais c’est égal : à quoi cela sert-il ? Tous ces noms redondants ne servent qu’à éblouir la galerie et nous avouons que ces compositions, purement fantaisistes, sont loin d’être utiles au jeu de dames… »
Vous pouvez consulter également 9 compositions de Félx-Jules Bolzé publiées dans Le Progrès illustré à la fin du XIXe et au début du XXe siècles à la page du problémiste de ce site. Félix-Jules BOLZE
Bolzé, né en 1847, est sociétaire du Damier Lyonnais. Premier Président de ce club, puis de la Fédération des Damistes Français qu'il a créée, Capitaine en retraite, Bolzé peut être décrit comme quelqu'un de "carré", qui ne mâche pas ses mots et doté d'un tempérament entier, parfois provocateur, mais il est surtout un rassembleur ! Il a compris que seule l'union fait la force et que la construction et l’évolution de notre jeu passent par cet état de fait. Ses prises de positions sur l'abolition du soufflage et son objectif de réglementation lui valent souvent une certaine impopularité, même si on lui reconnaît de grandes qualités méritoires et de rassembleur. Après les événements de 1912, les clubs restent divisés sur la question de l'abolition de soufflage qui est finalement adopté en 1913 après la mort de Bolzé. Certains n'accepteront pas de respecter cette nouvelle règle du jeu (le damier parisien sera le dernier grand club à adopter officiellement l'abolition du soufflage en 1922). Quand Bolzé disparaît en 1913, la France damiste a toujours un trait d'union avec une autre
revue fondée en 1911, "le Damier", dont le rédacteur est Louis
Dambrun. Mais ça c'est une autre
histoire ... Stéphane FAUCHER - mars
2004
Solutions Solution
du diagramme "coulisse forcée"
: Solution de
Bolzé : 1. 40-49 16-11 2. 45-50 11-2 3. 49-35 2-16 4. 34-43 16x49 5. 50-44
49x40 6. 35x44
blancs + Autre
solution (plus rapide) : 1. 40-44 16-49 A 2.
45-40 49-16 3. 34-43 B+
Huguenin :
1. 15-42 25-3 A
2. 42-31 3-20 3. 41-47 20-25 4.31-48
25-3 5. 47-20 3x25 6.19-30 25x39
7. 48x25 B+
A.
sur 1. … 25-48 2. 19-28 48x5 3. 41-46 B+
sur 2. … 9-25 3. 42-48 25-3 4. 48-25 3-26 5. 19-8 26x3 6. 36-9 3x14 7. 25x3 B+ Bolzé
en jouant
: plusieurs gains existent mais combinaison par 1. 34-29 23x25 2. 32x23 18x29 3.
27x9 3x14 4. 26-21 16x36 5. 37-31 36x27 6. 38-32 27x38 7. 42x4 17-21 8. 4-15
etc... B +. « Le
travail conduit à tout »(1) : 1. 44-40
35x33 2. 31-27 22x42 3. 47x29 24x33 4. 43-38 33x42 5. 41-37 42x31 6. 36x9 14x3
7. 25x32 B+ « Le
travail conduit à tout »(2) : 1. 8-17
22x11 2. 49-43 16x49 3. 26-21 49x16 4. 35-49 11-17 5. 31-27 16x43 6. 49x12 23-28
7. 12x34 28-32 8. 34-29 32-37 9. 29-47 B+ « Modestie » :
1. 31-27 6x17 2. 27-22 18x27 3. 40-34 29x40 4. 38x18 13x22 5. 39-33 28x37 6. 41x5
19-24 7. 5-23 40-45 8. 44-40 45x34 9. 23x40 B+. Notes (1)c'est à dire moins de 25 cm de haut (2) Le titre est en vieux français (iev = jeu) et s’intitule « [Le] Iev des dames avec toutes les maximes et règles tant générales que particulières qu'il faut observer an icelui… » par M. P. Mallet, ingénieur ordinére du roy. (3) Manoury fit paraître son premier ouvrage sur 100 cases (l'essai de 1770) avec une notation numérotée "1-50" (1 en bas à gauche avec les blancs et 50 en haut à droite avec les noirs) inspirée de la "1-32" de Quercetano. Il réalisera plus tard que de noter "46-5" lui semble plus naturel et rationnel et il éditera son second livre de 1787 (le jeu de dames à la "polonoise") avec la notation qui est toujours actuelle de nos jours. (4) Il faut se remettre dans le contexte d'une époque où les moyens de communication étaient beaucoup moins développés qu'aujourd'hui. Un petit encart publié dans la revue, un an après sa parution en dit long : « un nombre immense de damistes ignore qu’il existe un journal spécial, le damier universel ». Nous sommes en 1910 et une nouvelle revue remplace la revue Leclercq : "le bulletin mensuel du damier français". Cette revue, née sous l'impulsion de Louis Dambrun ne durera qu'un an et laissera la place à la revue "le damier" (de Dambrun également) qui paraîtra à partir de 1911. Bolzé était dans un contexte très difficile car il a toujours du composer avec l'existence d'une autre revue qui n'était pas sous contrôle fédéral, mais qui devait empiéter malgré tout sur son autorité, d'où les divisions qui ont marqué cette époque. De plus, la notion de fédération avec nécessité de structures au niveau régional n'était pas encore dans les mœurs de beaucoup de damistes qui n'avaient qu'une vision locale du jeu de dames et ne souhaitaient pas spécialement se soumettre à une autorité nouvelle. (5)
J'invite le lecteur à lire ou relire une série d'articles très intéressants
qui délivrent une information plus complète sur l'histoire du soufflage et de
son abolition. Ces articles, parus en 1984 dans les numéros 243, 244 & 245
de l'Effort sont de la main de Diego RODRIGUEZ et s'intitulent "souffler
n'est pas jouer" et "la grande querelle de l'abolition du
soufflage". (6) Au début du XXème siècle, la notation Manoury était bien plus contestée qu’aujourd’hui. Il n’est pas rare de constater que certains ouvrages ont été édités dans une notation différente souvent créée par leurs auteurs qui souhaitaient par ce biais, laisser une trace de leur réflexion personnelle. (7) C’est
une pratique courante à l’époque : les
solutionnistes sont des joueurs qui cherchaient les solutions des compositions
et cela était structuré sous forme de concours. Cela permettait surtout aux
joueurs de voir apparaître leurs noms, ainsi que le classement, qui étaient
publiés dans la revue. (8) Les compositeurs devaient transmettre et nommer leurs envois de façon anonyme. Le jury ouvrait les enveloppes cachetées avec les noms des auteurs après l'attribution des prix. (9)
Il nomme entre autres la « muraille
chinoise », fantaisie parue dans la gazette du jeu de dames, puis réédité
dans le damier universel ; se reporter à l’article sur Balédent. |
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